Nous connaissons tous l’histoire des trois petits cochons ainsi que la chanson que Dan Bigras en a fait.
Nous vivons actuellement le psychodrame électoral à Montréal. J’y vois des similitudes. Tous, à commencer par la communauté journalistique, courent en tous sens dans la plus totale confusion.
Trois candidats se présentent à nous. Seulement trois, pas dix-huit et leurs doubles.
Chacun des candidats a à nous offrir un caractère, une manière personnelle d’affronter les problèmes. Nous aimons penser qu’une vision rationnelle constituée d’études, de comparaisons et d’analyse nous est présentée, que nous-mêmes cherchons à mesurer les choses avec notre tête.
Pourtant, j’assiste sur la scène publique au même phénomène que je constate en adaptation scolaire où j’enseigne.
Peu d’élèves en adaptation scolaire souffrent de retard intellectuel, plusieurs par ailleurs ont d’énormes difficultés à se concentrer longtemps sur un problème. Comme eux, les journalistes sautent d’une perspective à l’autre sans jamais mettre le doigt sur le bobo comme on dit. Comme des puces, ils sautent d’un détail à l’autre en prenant à peine le temps de se poser. Les élèves n’arrivent pas à se concentrer plus de quatre ou cinq minutes à la fois, certains même moins que cela.
Certains jours, les élèves ne font que se lancer des jugements à l’emporte-pièce et à supposer toutes sortes d’intentions désagréables venant de l’un ou de l’autre. Certains ne font que se vanter de toutes sortes d’exploits divergents, jamais académiques. Ils sont préoccupés de tout sauf de l’école. Tout n’y est que mots et apparences, peu de réalisations concrètes, se concentrer sur les résultats est le cadet de leurs soucis.
Parfois, il en est de même des journaux et de la nouvelle. Une bousculade incessante de petits et grands drames imprécis. Y aurait-il là également un quelconque bateau naviguant en eaux troubles? C’est à se demander s’ils représentent la confusion ambiante ou s’ils sèment eux-mêmes la confusion. Un bateau fantôme qui tangue toujours du même côté.
Nous sentons le vent qui fait trembler les murs de notre demeure et ne voyons jamais le loup qui souffle son haleine putride. Est-ce l’effet de la nature humaine elle-même ? Y a-t-il un seul d’entre nous qui n’ait pas un jour ou l’autre sollicité les faveurs d’un beau-frère médecin ou d’un cousin policier? Est-ce l’effet de la culture que les robes noires et les tuniques rouges ont favorisé?
La politique municipale m’intéresse un peu. Surtout celle de ma ville. Pas suffisamment je crois, mais assez pour connaître certains noms et avoir assisté à quelques assemblées publiques du conseil municipal de la Ville centre. J’ai même participé à plusieurs assemblées publiques du conseil d’arrondissement. Je crois également que la démocratie n’est possible et sainement vécue qu’à la condition que chaque citoyen s’y intéresse. Notre participation à la vie publique ne devrait pas se limiter à voter une fois de temps en temps.
L’humanité telle que nous la connaissons a vu le jour en inventant la ville il y a un peu plus de six mille ans. Cette première ville s’appelait Çatal Hüyük. Une ville de mille familles sans aucune hiérarchie sociale. La ville était alors une invention toute neuve. Nous n’y comprenions rien et ne savions pas quel usage en faire. Cette ville a été suivie de nombreuses autres. Il y a trois mille ans, quatre-vingt pour cent de l’humanité d’alors habitait les villes. Babylone dans laquelle s’est écrit un des premiers codes de loi gravés dans la pierre n’était pas l’horreur qu’on en a retenue, mais le centre élevé de la prospérité d’un croissant de fertilité. Tous connaissent Athènes, Rome, Istanbul et leur contribution à la civilisation. Qui ne connaît pas Paris, Londres, Beijing, Tokyo? Certains pays pourraient même adopter le nom d’une ville sans rien perdre de leur identité.
Nos voisins d’Amérique se reconnaissent à deux grandes villes, la ville du cœur, la ville de la tête. Je vous laisse deviner laquelle est laquelle.
Nous Québécois, comme nos voisins, jouissons de la présence de deux grandes villes, également de cœur et de tête. Québec qui ne peut tout simplement par son nom qu’être chère à notre cœur et Montréal la mal-aimée des tuniques rouges.
Tout en portant beaucoup d’admiration envers la beauté de la ville de Québec, mon cœur et ma tête sont tout acquis à Montréal.
J’ai tenté de vivre hors des murs de Montréal. Neuf ans à Mirabel. J’ai trouvé cela d’un profond ennui. De mars à novembre, je parcours près de trois mille kilomètres en patins à roues alignées dans les rues de notre métropole. Je connais cette ville intimement. Âgé de cinquante-neuf ans, presque de soixante, cinq jours par semaine je me rends au moins au travail à sept kilomètres de chez moi. La moyenne canadienne des déplacements en voitures pour se rendre au travail est de 7,16 km (?) Tous les matins, je passe près de six écoles et croise six brigadiers scolaires protégeant les écoliers à leur corps défendant pour qu’ils puissent traverser les passages piétonniers en toute sécurité. Tous les matins, les conducteurs d’automobile, pour la plupart eux-mêmes parents, représentent un danger pour nos enfants. Il y un siècle de cela a été inventé un bidule bruyant et polluant d’innombrables manières y compris socialement et économiquement qu’on ne sait pas utiliser. La majorité des humains n’ont pas, sans d’innombrables heures de pratique et beaucoup d’éducation, la capacité de conduire un véhicule moteur sans risques. Nous avons improvisé la ville pour favoriser l’automobile. Notre corps même pour faire de la place à la tumeur. La ville, notre invention, devrait être plus intelligente que cela. La Ville devrait être traitée comme si elle était notre grande maison. Là où tous nous devons vivre ensemble. Celle que nous devons cesser de fuir en écrasant les terres agricoles sous l’asphalte et les nouvelles écoles que nous devons y construire.
Aucune nation n’est importante sans une grande ville. Il n’y a pas meilleure manière d’affaiblir le Québec qu’en méprisant Montréal. Lors des dernières élections en Iran, qui a remarqué que le progrès, la contestation envers les Ayatollahs venait de Téhéran? Périodiquement, le Québec est affaibli en saignant Montréal. Certains disent qu’il faut voter du bon bord. Du bord des gagnants. Du bord de l’image socialement reluisante. Il faut voter du bord vers lequel tangue le vaisseau fantôme. Je suis quant à moi du bord de ma ville. Je lui reste fidèle, peut-être même justement parce que ma ville est menacée. Nous devons la défendre. Notre ville a besoin de nos cœurs, de nos têtes et de notre action à tous.
Certains ne souhaitent pas que la ville de Montréal fonctionne. Si Montréal ne fonctionne pas, le moteur du Québec a des ratés, ce qui fait l’affaire des tuniques rouges. Certains autres ne savent que la saigner. Certains donnent l’impression de s’en occuper uniquement pour nous distraire des vrais problèmes. Nous n’y comprenons plus rien. Nous ne savons plus comment faire usage de la ville. Nous l’habitons comme si elle était l’effet d’une sorte de génération spontanée alors qu’en fait, c’est notre invention. La plus importante de nos inventions, celle qui nous touche tous également comme l’air et l’eau.
Les moyens que nous nous sommes donnés pour faire fonctionner notre grande invention au fil des millénaires sont loin d’être les meilleurs que nous puissions imaginer. Actuellement, ce sont les seuls que nous ayons.
Nous remettons notre pouvoir de citoyens entre les mains de quelques citoyens qui sont au cours des ans devenus des professionnels de la politique qui ne peuvent éviter les jeux de pouvoir et la gestion d’intérêts divergents. Alors que la ville devrait être entre toutes les mains, nous confions les clés de notre maison à quelques citoyens qui doivent pour réussir apprendre un langage et des codes auxquels nous comprenons peu de choses.
En cet automne 2009, trois candidats se sont présentés pour nous représenter à l’Hôtel de Ville. Nous devrions les connaître aussi bien que notre voisin le plus proche, aussi bien que le voisin auquel nous prêtons nos clés en cas d’urgence.
Les journalistes devraient contribuer à notre clairvoyance. Le font-ils? Ils semblent aussi confus que nous.
De chez moi qu’y a-t-il à voir de chacun des candidats? Comme les trois petits cochons de la fable, nous y voyons la paille, le bois et la brique. De quels matériaux sont-ils faits?
Le premier, celui dont on parle le plus, celui qui a la faveur du statut social puisqu’il est du côté des tuniques rouges. Qu’offre-t-il? Parfois il est dit que le passé est garant de l’avenir. Durant huit ans il était assis sur un panier de crabes et n’en croyait rien. Il nous présente sa nouvelle équipe en nous affirmant la main sur le cœur que cette fois-ci, c’est la meilleure équipe qui soit. Je ne peux qu’en douter. Pourquoi maintenant est-ce que ce serait différent? Lorsqu’on lui en fait le reproche, il joue les vierges offensées. En fait, il nous dit à sa manière que ce n’est pas de sa faute s’il est incapable de lire entre les lignes et s’il n’a aucune imagination. Si ce n’est pas écrit, il ne le voit pas. Si c’est légal, c’est moral. Parce qu’il y tenait, s’il est réélu il sera également maire de la ville centre. La seule qui semble dans sa mire. Quoi qu’il prétende, sait-il concrètement qu’une bonne partie de la ville de Montréal se trouve également à l’est du pont Jacques Cartier? Qui le connait en dehors des professionnels des affaires ou du monde politique? Il semblerait que même les journalistes, qui pourtant l’ont côtoyé durant huit ans, n’arrivent pas à se faire une image de ce citoyen.
Le deuxième candidat quant à lui a autant d’imagination que le maire en manque. Faisant montre de beaucoup de sérieux dans ses extravagances, à part une histoire de conflit d’intérêts qui semble ne pas être encore résolue, il n’a pas beaucoup de passé à faire valoir. Malgré son apparente sincérité, en d’autres lieux, en d’autres temps il aurait été le Baron de Münchhausen ou bien le Baron de crac, le roi de la pensée magique. Difficile à saisir, j’en ai peu à penser. Les journalistes quant à eux, si ce n’est pour je ne saurais quelle autre stratégie, en restent pantois.
Par ailleurs, j’ai beaucoup plus à penser de la troisième candidate. Cela me plairait beaucoup qu’une citoyenne qui a su être mère soit également maire de ma ville. Dans son cas si le passé est garant de l’avenir, nous aurions à nous réjouir. Durant vingt-sept ans, avec bec et ongles, elle a défendu son comté, cela sans concession que ce soit envers son parti ou son chef. Lorsqu’elle a été élue, elle s’est installée dans le quartier et y habite toujours. Des centaines de citoyens du comté qu’elle a représentés à l’Assemblée nationale du Québec l’on rencontrée personnellement et toujours chaleureusement, que ce soit dans l’une ou l’autre église lors des rencontres citoyennes annuelles, au marché public ou ailleurs sur la rue. Sa vie de citoyenne n’est un mystère pour aucun, elle a réussi à être populaire sans être « people ». Ce qui me semble un exploit en soi. J’ai plus d’une fois eu l’occasion de la rencontrer. Par chez nous on dit que l’on doit juger un arbre à ses fruits. Il est évident que c’est une femme « ordinaire » vivant une vie aussi simple que chacun d’entre nous, tout en accomplissant par ses engagements et ses convictions personnelles des choses extraordinaires. Elle est inclusive et pragmatique et ne laisse personne de côté. Certains lui reprochent d’avoir réussi à accomplir, avant que Jean Charest ne le fracasse, le rêve « d’une île, une ville » de Jean Drapeau dont le Québec avait besoin. Quoi qu’on en pense, elle a prouvé être capable d’accomplir l’impossible.
Selon moi, contrairement aux deux autres candidats, elle a durant vingt-sept ans démontré qu’en toute sincérité elle livre la marchandise et respecte ses engagements.

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