— PREMIÈRE VAGUE 2020 —
J’ai démarré le travail sur la sculpture intitulée Première vague 2020 le 3 avril et terminé le présentoir à la fin du mois d’août.
Le texte suivant est le journal que j’ai écrit au cours de sa réalisation.
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Son inspiration me vient de la tristesse que je ressent en pensant aux victimes du virus qui ne s’attaquerait qu’aux gens âgés de plus de 60 ans ou plus de 70 ans comme moi.
Des femmes et des hommes qui pour la plupart n’ont comme ma mère, toute leur vie possédé, que leur capacité à vivre, une famille et quelques amis.
Notre chère mère, Noëlla Morin, née le 25 avril 1930, est décédée des suites de la C. difficile, une affection nosocomial, le 11 janvier 2004 à l’hôpital. Elle était couturière. Elle avait travaillé durant quarante-six ans dans des ateliers qu’on a déjà qualifiés d’usines de sueur «sweat shop». Même si elle n’était âgée que de 73 ans, son corps était usé à la corde.
La dernière fois que je l’ai vue sur son lit d’hôpital derrière la toile tendue, cinq ou six heures avant son décès, au milieu de la nuit, elle avait les dents serrées de rage. Elle avait vécu une vie moralement exemplaire. Elle avait été un modèle d’empathie envers la vie et les vivants et n’acceptait pas de finir sa vie comme ça.
Le souvenir des derniers jours de vie de notre mère est aussi brûlant aujourd’hui qu’en 2004. Pour cela, je ne pouvais être insensible au drame qui se déroule autour de nous et nous atteint tous au cœur. Un drame qui sous bien des aspects doit ressembler à celui de notre mère.
Pour ne pas me sentir trop démuni devant la situation, je réalise une sculpture et cette chronique, une sorte de soliloque, que j’écris au fur et à mesure que la réalisation de l’oeuvre avance et que la situation évolue.
Au début de la période de confinement, des organisations culturelles ont invité des artistes, qu’ils allaient sélectionner, à produire des événements dans le droit fil de l’art contemporain inspirés par l’urgence sanitaire, s’étalant de vingt-quatre heures à soixante jours.
N’étant pas un artiste habituel de leurs réseaux, après quelques jours de réflexion, la pulsion artistique qui m’habite depuis toujours a attrapé la balle au vol en m’incitant à y aller, comme je l’ai toujours fait, de mon initiative personnelle.
En 1982, à l’âge de 32 ans, j’étais toujours – préférant l’art brut à l’académique – un artiste autodidacte. J’étais âgé de quarante ans lorsque j’ai consenti à la formation universitaire en enseignement de l’art et obtenu une maîtrise à quarante-six ans.
Ma famille et moi habitions sur la rue Aylwin, dans le quartier Hochelaga, où ma famille avait été déplacée lorsque j’avais 10 ans. À cette époque, à travers les médias et les préjugés sociaux ambiants, je me sentais d’une certaine manière confiné dans ma condition de fils d’ouvrier et d’artiste autodidacte.
Être artiste et faire de l’art sa vie semblait superflu.
Ce qui se disait de nous, le peu de dignité qui était accordé à ma famille, à mes amis et voisins, alors que j’assistais parfois à des gestes de courage, d’empathie et même d’abnégation, ne nous ressemblait pas.
Je trouvais cela très injuste. Pour exprimer ma déception j’avais peint un tableau intitulé « Momie en brique ».
Enfant, avant que notre famille ne soit expropriée vers le quartier Hochelaga-Maisonneuve, j’avais également subi l’exclusion sociale provoquée par l’infirmité et la maladie.
Je suis, pour toutes ces raisons, resté très sensible à l’exclusion et à tout ce qui de près ou de loin ressemble à un rejet social. Quelle qu’en soit la source, je connais très bien, pour les avoir longtemps ressenties, les émotions qu’inspire le confinement qui s’apparente aisément à l’exclusion ou à la mise de côté.
Puisqu’il ne nous prive pas de la liberté de vivre et d’être, le confinement n’est pas tout à fait un emprisonnement. Même si les conditions du libre arbitre changent de nature. Étant le reflet de la vie, qui coûte que coûte, ne cherche qu’à vivre, le libre arbitre reste entier.
Notre premier ministre, monsieur François Legault et le docteur Arruda ont plus d’une fois affirmé, que la génération qui meurt dans les CHSLD était la génération qui avait construit le Québec.
Ce n’est pas la seule. Toutes les générations finissent par le faire, mais celle-là aura été celle qui l’aura fait à l’orée de la modernité en posant les bases de la modernité pratiquement à mains nues. Je l’ai vu. J’étais là lorsque mon père a construit notre résidence familiale qui n’existe déjà plus, avec un marteau et une égoïne.
J’étais âgé de seize ans lorsque j’ai fait le choix d’acquérir par l’expérience les manières et les gestes de l’art dans les usines avec mes amis du quartier en apprenant leurs métiers avec eux.
Je l’ai fait durant vingt-cinq années qui se sont avérées à me sembler au final comme si j’avais vécu plusieurs vies.
J’ai vécu intensément la vie de l’homme d’usine, d’un bout à l’autre de Montréal. j’ai vécu la vie de l’ouvrier salarié en pratiquant plusieurs métiers aux exigences diverses. Tout en faisant de l’art, J’ai été apprenti plombier, magasinier, machiniste, artisan soudeur et bien d’autres. Tout en produisant et exposant en plus de 80 occasion d’innombrables oeuvres.
J’ai aussi oeuvré d’un chantier à l’autre en tant qu’inspecteur sur le service en contrôle de la qualité par procédés non destructifs. En voiture, en camion et en avion, j’ai parcouru le Québec de Montréal à Rouyn-Noranda, en passant par Cornwall et Saint-Romuald, jusqu’à Labrador City. Autant de lieux, de visages de femmes et d’hommes, de vies réelles du Québec qui, en écrivant ces lignes, me reviennent à l’esprit.
Ces métiers appris en leurs compagnies sont tous des métiers que je pratique comme si chacun d’eux était une seconde nature. Des métiers qui meurent avec plusieurs des victimes âgées du Covid-19. Des métiers qui ne suffiront plus désormais à vivre une vie en se sentant utile.
C’est pour cela que j’ai entrepris de faire une sculpture comme ils avaient construit le monde à la sueur de leur front. Une manière où l’outil est toujours prolongement de la main. Pas comme aujourd’hui alors que l’ouvrier n’est plus qu’un salarié opérateur de machines ou d’instruments. Une manière qui est l’expression de beaucoup d’expérience et de savoir-faire. Un lot de connaissances intimes des procédés, des outillages et des matériaux. Une manière qui s’ajuste au fur et à mesure de sa réalisation, comme ils se sont ajusté au monde qui leur était offert sans alternatives, patiemment au fur et à mesure que les choses et le travail s’accompli.
Une manière qui ne compte, ni la sueur, ni le temps. Que l’excellence du travail le mieux fait qui soit. Une manière qui soit un cumul de gestes suivant une sorte de rituel.
À la grandeur du Canada, même de nos jours, seulement cinq pour-cent des artistes de toutes catégories gagnent plus de 15 000$ par année. Je me suis adapté à la condition d’artiste – ce que je souhaite à tous – en construisant et structurant solidement un milieu dans lequel j’ai accès à tout ce qui me permet de vivre pleinement ma vie d’humain et d’artiste au quotidien.
Je viens d’un monde qui savait, en toute dignité, construire le monde matériel sans chercher à le posséder. Une attitude que tout le Québec redécouvre pour certains et apprend soudainement à estimer pour d’autres depuis que nous découvrons, face aux manques provoqués par le virus, tous ensemble les vertus de l’autonomie matérielle.
J’y vis avec ma famille, j’y suis en sécurité.
Beaucoup de discipline, de quant à soi et une certaine sagesse humaine m’ont conduit à considérer que tout ce qui importe vraiment dans la vie, que nous soyons natif ou immigrant, est près de soi, là où on a fait son nid, plutôt que dans un ailleurs où l’on ne trouverait pas l’amour et l’amitié qui donnent du sens à la vie.
Sur les chantiers en régions éloignées, les ouvriers avec lesquels j’ai travaillé disaient que le métier, la famille et les amis qu’ils portaient en eux constituaient l’essentiel des bagages qu’ils emportaient avec eux.
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Tout cela conduit au projet faisant suite au confinement de tous. Plus particulièrement des personnes âgées de plus de soixante-dix ans comme moi. Les plus menacées par le virus qui sonnera le glas de la vie d’un trop grand nombre d’entre nous.
Nous avons tous pour la très large majorité, comme il en est de toutes les générations humaines, été occupés à vivre sans chercher de quelque manière que ce soit – je le redis – à posséder le monde.
J’ai construit mon atelier dans le quartier où j’ai grandi et dans lequel je suis heureux de vieillir.
Malgré ces temps exceptionnellement difficiles, je suis chaque jour occupé à faire de l’art, comme je le fais déjà depuis plusieurs années, dans l’atelier que j’ai construit – à la sueur de mon front – dans notre cour arrière en l’an 2000, au sud-ouest du quartier Hochelaga. À quelques pas – quel hasard – de ce qui en 1930 était désigné comme étant l’épicentre du quartier ouvrier.
Il y a cinq ans de cela, j’ai écrit et fait imprimer sur les t-shirts que je porte tous les jours une phrase résumant tout ce qu’on peut penser de l’art:
TOUS ARTISTE. L’Art, le premier art de tous, est l’art de devenir … Humain
J’en avais fait l’article ci-dessous qui avait été publié dans les pages de Quartier Hochelaga – malheureusement fermé depuis le mois de juin 2019 – .
Ce qui n’empêche pas de faire une vie d’artiste transformant tout en art. Ce qui n’interdit pas et le favorise même, le dialogue entre l’artiste qui a consacré une vie à l’art et le citoyen qui n’a pu pour toutes sortes de raisons en faire autant.
Enfant, j’ai subi plusieurs pneumonies (9) et vécu de longs séjours à l’hôpital.
J’en ai retenu que la vie elle-même est la seule limite à la vie et qu’il est impossible de brider un coeur qui bat au rythme de cette vie.
De toutes sortes de manières, mon atelier est ouvert sur le monde. Ce qui est fait pour le monde – l’art par exemple – doit être ouvert sur le monde et se faire sans cesse présent au monde.
Tous les ans, j’y reçois quelques centaines de visiteurs – entre 350 et 400 – comme monsieur Richard Chabot, qui en a profité pour prendre la superbe photo spontanée de moi qui accompagne cet article.
Ces jours-ci, c’est la catastrophique COVID-19, ses angoisses et ses deuils humains, les pertes de vies et la perte de notre mode de vie qui l’accompagnent, qui y entrent.
Le monde ressemble également aux promeneurs qui viennent voir les nombreuses œuvres à l’extérieur de mon atelier avec lesquels j’échange parfois quelques mots à distance, avec lesquels je maintiens le dialogue entre l’art et la vie ordinaire, même s’ils ne peuvent plus, malgré leur curiosité, m’approcher et visiter l’atelier.
Malgré le confinement et la nouvelle distanciation physique, mon atelier reste lumineux et ouvert sur le monde. Un monde pour lequel je réalise une sculpture venant d’un coeur qui même confiné ne peut cesser de trouver de l’art sous chacun des plis et replis de notre humanité.
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Il y a près de deux ans de cela, une équipe d’émondeurs a dû abattre un arbre près de chez nous.
Curieux de voir de près les sculptures devant mon atelier, les émondeurs sont entrés dans mon univers. J’en ai profité, comme je le fais souvent, pour leur faire visiter.
À la fin de leur journée – je les en remercie beaucoup – ils ont laissé un beau billot de 4 pieds (122 cm) devant ma porte.
J’ai appliqué un composé scellant à base de cire aux deux bouts du billot que j’ai mis à sécher au fond de mon atelier en espérant en faire une sculpture un jour.
Ce moment est arrivé.
Je ne suis pas médecin. Je ne travaille pas dans le monde médical, mais artiste.
Je me dois de faire mon travail d’artiste.
Exprimer comme je le peux, le chagrin que notre société ressent. Comme si à l’avance je devais concevoir un monument chargé de souvenirs.
Du 3 avril au 4 juin, 9 à 10 heures tous les jours, j’ai creusé 2020 perforations représentant autant de décès provoqués par le coronavirus au Québec.
Une manière d’inscrire dans un tronc d’arbre nous venant de la nature, le vide que ces disparus laisseront derrière eux, dans notre monde et la nature.
Je grugerai le bois de l’arbre, comme notre réalité sera grugée par ce drame collectif.
En 1987, j’explorais l’emblématique figure historique du gisant. https://fr.wikipedia.org/wiki/Gisant.
J’en ai fait quelques œuvres. J’en ai toujours une dans ma collection personnelle qui se trouve dans mon atelier.
L’œuvre est composée de plusieurs matériaux. La base est faite d’acier sur lequel j’ai fusionné des baguettes de bronze. Au-dessus se trouvent deux pièces d’aluminium que j’ai gravées à la main. Le personnage gisant supporté par les pièces en aluminium est en frêne – ce même bois miné par l’agrile du frêne comme nous par le virus – dont la couleur foncée a été obtenue en brûlant la surface avec une torche de soudage. Le personnage est couvert de pièces en cuivre martelées.
De part et d’autre du personnage représenté, j’ai gravé les mots qui font vivre, les mots par lesquels nous restons en vie.
Par exemple : l’amour en soi qui devient être aimé et nous permet ensuite d’aimer les autres. Gravé, cela fait « Amour, Aimé, Aimer ». Ou « Nourriture, Nourri, Nourrir ». Et ainsi de suite. Ce qui est humain, le recevoir et le donner.
Le bout de tronc d’arbre sur lequel je travaille est installé à l’horizontale sur un support que j’ai fabriqué à cette fin dans l’atelier où j’ai l’espace, les matériaux, les outillages, les équipements, accessoires savoir-faire permettant, quelle que soit l’inspiration, de réaliser mes œuvres malgré la perte radicale de revenus que les artistes comme moi subissent en cette période de confinement.
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Chargé de stigmates, le billot sera une sorte de gisant portant le souvenir d’autant de victimes du COVID-19 que le billot pourra en recevoir.
Au début du projet, j’ai pensé creuser autant de cavités qu’il y aurait de décès au Canada, mais la tâche m’a rapidement semblé insurmontable.
Alors, puisque nous y avons de la famille et des amis, le 6 avril, j’ai creusé neuf cavités de plus que le total de décès au Québec, une cavité supplémentaire pour chaque province.
Au centre de chacune des cavités est enfoncé un clou carré. Les clous en question ont été récupérés lorsque nous avons fait remplacer le plancher de merisier de notre cuisine qui datait de 1929.
Au début, ce qui semblait beaucoup, j’avais quatre cent soixante-sept clous, que je gardais dans une boîte en bois que j’avais fabriquée pour cela. Malheureusement, le 18 avril il y avait déjà 805 décès au Québec. Daniel Marino un ami artiste du quartier m’a remis 280 clous qu’il avait récupérés en rénovant une maison construite en 1910. J’ai aussi commandé plus de 690 clous antiques à Antiquités Michel Prince et plus de 1000 clous neufs de Quincaillerie des forges.
Le vingt-trois avril, il y avait 1143 victimes au Québec. Le 30 avril j’ai dû me résoudre à limiter ce nombre à 2020. Il y aura beaucoup d’absent, mais cela devrait suffire pour souligner l’ampleur de la catastrophe et la situer dans le temps.
Durant tout le mois d’avril je ne savais pas comment qualifier une oeuvre de ce type-là.
L’art est ainsi.
Au début de votre vie, lorsque vous êtes artiste débutant, vous faites de l’art. Avec le temps. Soixante ans de passion dont cinquante ans de pratique plus tard, c’est l’art qui fait l’artiste.
Le 30 avril le titre Première vague 2020 s’est imposé à moi.
Ces clous carrés ressemblent aux excroissances de protéines apparaissant à la surface du virus du COVID-19.
Les cavités sont teintes en noir avec de l’encre de chine – cela n’a rien à voir avec la Chine dont parle l’actualité. C’est ainsi qu’on désigne cette encre. – appliquée avec une seringue médicale et les clous peints à la main avec du blanc de titane dont je me sers pour mes tableaux afin d’intégrer, par les médiums utilisés et les gestes, la sculpture au monde de l’art. La couche de blanc ressemble à un linceul qui couvrirait chacun des clous. Les clous sont peints également de la couleur des vélos blancs déposés parfois près du lieu où un cycliste est tombé sous les roues d’un véhicule moteur.
La seringue représente la médecine, la science et la biologie composant nos connaissances permettant d’affronter cette menace.
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Depuis aussi longtemps que je me souvienne, je suis fasciné par l’esthétique foisonnante de la nature.
Graduellement, un peu plus tous les jours, le gisant Covid-19 a pris l’aspect foisonnant qu’on retrouve fréquemment dans la nature. Il est tout à fait fascinant de voir à quel point le cumul d’un grand nombre de gestes modestes, qu’a bien connu la génération qui nous quitte brusquement malgré elle, arrive à imiter la nature.
Le projet ne s’est pas arrêté là. J’ai récupéré également les morceaux de l’écorce et le moindre copeau de bois venant du perçage des cavités.
J’ai fabriqué un caisson en bois et en verre et y ai placé les copeaux et les pièces de l’écorce qui s’étaient détachées du billot.
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Il y a 3000 ans de cela, nous avons inventé l’écriture pour compter les moutons et les brebis.
Après quelques siècles d’usage, compter est devenu conter, raconter des histoires. Nous avons appris à nommer les choses et les êtres. Nos dictionnaires et encyclopédies sont remplis de centaines de milliers de mots.
Mais aucun terme, aucun mot, ne porte autant d’histoire et de sens qu’un nom propre, que le nom d’une personne qui vit ou a vécu.
Pour cela la sculpture doit aussi être dépositaire des noms des victimes. Sans cela, ce serait toujours une sculpture intéressante. Ce ne serait qu’un bel objet. Ce n’est qu’avec les noms des victime que l’oeuvre prendrait tout son sens qui ne peut se contenter de l’anonymat.
Pour l’instant, je n’ai pas accès aux noms des victimes du virus Covid-19.
J’ai tout de même imaginé la production de médaillons funéraires en bois sur lesquels seraient gravés les prénoms des personnes décédées. Découpés et gravés au laser, les médaillons funéraires seront carrés comme on désignait certaines pièces de monnaie de cinq sous.
Dotés de douze côtés, ces aplats représenteront les douze heures de l’horloge du temps qui passe ainsi que les douze mois de chacune des années ayant été vécues.
Exprimant toute la tendresse que nous devons ressentir envers les victimes du Covid-19, les médaillons seront déposés sur le lit de copeaux dans le coffre en verre.
Même si je suis en confinement. Cela n’est pas une raison pour faire comme si j’étais au fond d’une grotte.
Depuis plusieurs années, je l’ai déjà expliqué plus haut, la porte de mon atelier est ouverte aux visiteurs.
Durant un temps assez court, ils se sont fait plus rares. Cela m’a incité à faire plus d’efforts avec les moyens modernes mis à notre disposition, pour aller vers l’extérieur.
Je le fais virtuellement. Je claironne ma présence et ce que je fais en étant convaincu qu’il vaut la peine que je le fasse et l’annonce avec tous les moyens à ma portée.
Tous les jours je met de côté des vidéos de ce que je fais, du traitement de la sculpture et des accessoires. Dans un contexte d’unité de lieu et d’action ce sera assez compliqué d’en faire un montage dynamique comme nous sommes habitués d’en voir de nos jours. Mais je le ferai tout de même.
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Le 2 juin j’ai terminé la fabrication du caisson dans lequel j’ai déposé les copeaux que j’ai récupéré en creusant les cavités dans le billot. J’y ai déposé les bouts d’écorce dans une boîte en plexiglas en attendant de trouver les ressources monétaires qui me permettront de poursuivre et de fabriquer une boîte en verre. J’ai mis également quelques badges anonymes sauf un. Celui de Renée Claude que nous savons être décédée des suites du Corona virus. Il ne manque que les noms pour que je puisse les graver.
Depuis le 3 avril dernier j’ai mis plus de 700 heures qui sont avec le temps devenues plus de 900 de travail à la réalisation de la sculpture Première vague 2020 et du montage vidéo qui doit l’accompagner. Il reste un peu plus de 200 à 300 heures à y mettre, dont en moyenne 3 minutes pour produire chacun des médaillons qui seront, je le souhaite, au moins 2020.
Le 20 août j’ai terminé la fabrication de la structure tubulaire en acier du présentoir, une sorte d’écrin, au fond duquel j’ai déposé le caisson en verre contenant les copeaux et l’écorce sur lesquels je devrais déposer également les badges porte noms. La sculpture, sorte de gisant des victimes du virus est accrochée au dessus du caisson comme si elle flottait.
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Le 6 avril dernier lors d’une de ses mémorables conférences, notre premier ministre a solennellement déclaré que le gouvernement avait une sorte de devoir de mémoire envers les aînés qui ont construit le Québec.
J’ai 70 ans. J’aime croire que je suis probablement un de ces aînés. Un de ces aînés qui parce qu’il est artiste, construit le Québec par l’art.
J’ai posté un échantillon de l’oeuvre à monsieur Legault. Cela me désole beaucoup que ces copeaux, les pièces d’écorce et le clou se soient perdus dans le courrier. J’espérais les récupérer pour les mettre avec les autres dans le caisson.
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Le Mercredi 16 décembre, cela fait maintenant plus de 8 mois et plus de 900 heures que je travaille sur la sculpture Première vague 2020 (Covid-19 confiné).
Ces dernières semaines j’ai appris à faire un montage vidéo avec les 850 prises vidéo (rushes) que j’ai mises de côté depuis le 3 avril.
Durant la réalisation j’ai ramassé 4 téraoctets de séquences vidéo. Des dizaines d’heures de visionnement et de découpages pour la vidéo finale.
J’ai dû aussi trouver une trame musicale. La musique au cœur du montage a été trouvée sur Artlist.
Ensuite je graverai des noms sur des médaillons funéraires qui seront déposés sur les copeaux (cendres ?) dans le caisson vitré sous la sculpture. Un autre 200 heures et plus.
Ci-dessous une illustration de ma vision graphique personnelle du virus accompagné d’une légende:
DE COEUR EN COEUR, LE COURAGE ET L’ESPOIR BATTENT AU RYTHME DES HUMAINS COMPOSANT L’HUMANITÉ.