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Bonne année : une oeuvre à peindre avec humanité
Traditionnellement, chaque année, au milieu de l’hiver froid, au milieu des victuailles et des présents de toutes sortes, nous offrons les vœux de bonne année et nous remémorons ensemble l’année écoulée. Nous cherchons la continuité de tout ce qui nous a animés et ce qui nous animera en espérant ne pas reproduire ce qui pourrait entraver nos pas.
D’une année à l’autre, nous renouvelons les résolutions du Nouvel An. D’une année à l’autre, nous entretenons la conviction que nous devenons plus sages ou avisés.
Je suis né en février 1950, en plein cœur d’un hiver glacial. En 1959, cet été si particulier demeure gravé dans ma mémoire comme si c’était hier. Quelques mois après mon anniversaire, je me trouvais à une intersection, au croisement de deux rues de gravier fraîchement aspergées d’une huile brunâtre et malodorante, destinée à contenir la poussière que soulevaient les rares voitures qui passaient.
Sous un ciel d’azur d’une pureté éclatante, baigné d’un soleil aveuglant, je me tenais là, à rêver éveillé. Ce jour-là, je n’imaginais pas, comme beaucoup d’autres enfants de mon quartier, devenir pompier, plombier ou mécanicien. Non, mon esprit vagabondait ailleurs, vers des horizons insoupçonnés. Une promesse muette s’était formée au creux de mon âme : je voulais faire de l’art, devenir un artiste. Cette aspiration était un défi discret lancé à une enfance marquée par les privations et les blessures.
Dans le regard de mon entourage, je paraissais parfois moins qu’humain, réduit à ma différence physique. Mais une volonté ardente m’animait : devenir un être humain à part entière, méritant de vivre et de vieillir, un adulte dont la vie trouverait sa valeur dans la beauté de ses créations et dans la singularité de son être.
L’art accompagne les sociétés humaines depuis plus de trente mille ans. Avec le temps, à mesure que les sociétés se complexifient et deviennent souvent incompréhensibles, une même question refait surface, génération après génération : À quoi l’art sert-il ? Cette interrogation, je me la suis posée durant un demi-siècle avant de parvenir à une réponse qui m’appartient : l’art, par son pouvoir d’humanisation, remplit de beauté et de sens l’immense grotte de notre imaginaire intérieur. Il donne forme et lumière à ce qui, sans lui, resterait de simples ombres informes.
Chaque année, en plein cœur de l’hiver, tandis que nous partageons victuailles et présents en cette saison des fêtes, nous échangeons des vœux de bonne année. Ces moments sont empreints de réflexion : nous revisitions les instants marquants de l’année écoulée tout en murmurant nos espérances pour celle qui s’annonce. Dans cet élan, nous cherchons à tracer une continuité entre ce qui nous a nourris hier et ce qui nous animera demain, en espérant esquiver les écueils qui pourraient freiner nos pas.
Renouveler les résolutions du Nouvel An est un rituel qui symbolise notre conviction que nous avançons, que nous évoluons vers plus de sagesse ou de discernement. Mais combien de ces résolutions survivent-elles jusqu’à l’hiver suivant ? Ce fossé entre nos intentions et leur mise en œuvre suscite souvent un doute non pas sur nos rêves eux-mêmes, mais sur notre capacité à les incarner pleinement.
Nous avons tendance à attribuer l’exceptionnel au talent, à une mystérieuse étincelle que nous croyons réservée à une poignée d’élus. Pourtant, comme l’a si bien démontré Malcolm Gladwell dans Les prodiges, la maîtrise d’un art ou d’une discipline repose moins sur un talent brut que sur des milliers d’heures de pratique ardue, sur des années d’engagement et de persévérance. Une vie entière suffit amplement pour accumuler ces heures. Le véritable défi réside dans la fidélité à ce qui, à l’origine, a éveillé notre cœur.
Être exceptionnel, c’est d’abord être sincère envers soi-même, loyal à ses aspirations profondes, malgré les détours et obstacles du chemin. De nombreux exemples illustrent cette vérité : le jeune hockeyeur formé par des mentors remarquables ; les Beatles, qui ont enchaîné des concerts dans l’ombre avant de triompher ; ou encore Steve Jobs qui a su saisir les opportunités technologiques de son époque. Ou Arnold Schwarzenegger qui a fait d’un rêve d’enfance une vie de force et de volonté en plusieurs domaines.
Mais derrière chaque histoire se cache une capacité précieuse : celle de transformer une chance en une identité singulière et d’y rester fidèle.
Et qu’est-ce qu’une « identité singulière » ? La science contemporaine nous invite à redéfinir ce que signifie être humain. Ce que nous percevons comme une essence immuable n’est en réalité qu’un projet, un rêve façonné par la patience et l’effort.
Notre cerveau, avec ses 85 à 100 milliards de neurones et mille milliards de connexions, est un organe d’adaptation et de transformation. Il n’est pas prédestiné au talent, mais se modèle à travers nos choix, nos expériences, nos interactions avec le monde.
Créer, pour moi, est devenu une seconde nature. Non pas parce que j’y étais destiné, mais parce que j’ai choisi de cultiver cet organe complexe, en revenant sans cesse à l’élan primordial qui m’habitait enfant.
L’art, tout comme la cuisine, le langage ou la danse, est un moyen d’insuffler à la vie davantage de profondeur et d’expression. Nous sommes tous porteurs d’un cerveau unique, une toile vierge qu’il nous appartient de transformer en chef-d’œuvre : notre propre manière d’être au monde.
Le Nouvel An est un instant précieux, une halte entre deux chapitres de nos existences, où nous pouvons contempler ce que nous avons accompli et ce que nous aspirons à devenir. Comme l’artiste qui, en achevant une œuvre, rêve déjà de la prochaine, nous pouvons voir la vie comme un projet en perpétuelle évolution.
Alors, en ce début d’année qui approche, je vous invite à imaginer votre vie comme une oeuvre, votre œuvreprête à être parée des couleurs, des formes et des récits qui reflètent votre singularité. Prenez le temps de définir vos intentions, de renouer avec ce qui fait vibrer votre cœur et d’honorer l’enfant en vous, celui qui rêvait sans limite.
Que cette nouvelle année soit pour vous une occasion de créer, d’explorer et de grandir.
Bonne année à toutes et à tous.
Que 2025 soit, pour chacun, une œuvre d’une rare beauté, un témoignage vivant de ce que nous portons en nous de plus précieux.
Ci-dessous l’atelier de l’artiste dans le quartier Hochelaga. Un clic tout près.

Happy New Year: A Blank Canvas to Paint with Humanity
Traditionally, each year, in the midst of the cold winter, amidst the food and gifts of all kinds, we offer New Year’s wishes and together reminisce about the past year. We seek the continuity of everything that has inspired us and will inspire us, hoping not to repeat what might hinder our steps.
From one year to the next, we renew our New Year’s resolutions. From one year to the next, we maintain the belief that we are becoming wiser or more insightful.
I came into the world in February 1950, in the heart of a frigid winter. In 1959, a particular summer remains etched in my memory as if it were yesterday. A few months after my birthday, I stood at a crossroads where two gravel streets met, freshly sprayed with a brownish, foul-smelling oil meant to contain the dust stirred up by the occasional passing cars.
Under a pure azure sky, bathed in dazzling and blinding sunlight, I stood there, daydreaming. On that day, unlike many other children in my neighborhood, I did not imagine myself becoming a firefighter, a plumber, or a mechanic. No, my mind wandered elsewhere, toward unseen horizons. A silent promise took shape deep within me: I wanted to create art, to become an artist. This aspiration was a quiet challenge to an early life marked by hardship and wounds.
In the eyes of those around me, I often appeared as less than human, reduced to my physical difference. Yet, a fierce determination stirred within me: to become a fully realized human being, one who deserved to live and grow old, an adult whose life would derive meaning from the beauty of his creations and the uniqueness of his being.
Art has accompanied human societies for over thirty thousand years. Over time, as societies become more complex and often incomprehensible, a recurring question resurfaces, generation after generation: What is the purpose of art? I wrestled with this question for half a century before arriving at a personal answer: art, through its power to humanize, fills the vast cavern of our inner imagination with beauty and meaning. It gives shape and light to what, without it, would remain mere formless shadows.
Each year, in the depths of winter, as we share meals and gifts during the festive season, we exchange wishes for the New Year. These moments are imbued with reflection: revisiting the significant events of the past year while murmuring our hopes for the one to come. In doing so, we seek to trace a continuity between what nourished us yesterday and what will inspire us tomorrow, while hoping to sidestep the pitfalls that could hinder our progress.
Renewing New Year’s resolutions is a ritual that symbolizes our belief that we are moving forward, evolving toward greater wisdom or clarity. But how many of these resolutions survive until the following winter? This gap between our intentions and their realization often leads us to doubt not our dreams but our ability to bring them to life.
We tend to attribute the exceptional to talent, a mysterious spark we believe is reserved for a select few. Yet, as Malcolm Gladwell aptly demonstrated in Outliers, mastery of an art or discipline depends less on raw talent than on thousands of hours of diligent practice, years of dedication, and perseverance. A lifetime offers ample time to accumulate these hours. The real challenge lies in staying true to what originally set our hearts alight.
To be exceptional is, above all, to be sincere with oneself, loyal to one’s deepest aspirations, despite the detours and obstacles along the way. Numerous examples illustrate this truth: the young hockey player trained by remarkable mentors; the Beatles, who played tirelessly in obscurity before their breakthrough; or Steve Jobs, who seized the technological opportunities of his time. Or Arnold Schwarzenegger, who transformed a childhood dream into a life of strength and determination across multiple fields.
Yet behind every story lies a precious capacity: the ability to turn a chance into a unique identity and to remain faithful to it.
And what is this “unique identity”? Contemporary science invites us to redefine what it means to be human. What we perceive as an immutable essence is, in reality, a project, a dream shaped by patience and effort.
Our brain, with its 85 to 100 billion neurons and trillions of connections, is an organ of adaptation and transformation. It is not destined for talent but is shaped by our choices, experiences, and interactions with the world.
For me, creating became second nature. Not because I was destined for it, but because I chose to cultivate this complex organ, continuously returning to the primordial drive that stirred within me as a child.
Art, like cooking, language, or dance, is a means of imbuing life with greater depth and expression. Each of us carries within us a unique brain, a blank canvas that we can transform into a masterpiece: our own way of being in the world.
The New Year is a precious moment, a pause between two chapters of our lives, where we can contemplate what we have achieved and what we aspire to become. Like the artist who, upon completing a work, dreams already of the next, we can see life as a project in perpetual evolution.
So, as this new year approaches, I invite you to imagine your life as your own artwork, ready to be adorned with the colors, shapes, and stories that reflect your singularity. Take the time to define your intentions, to reconnect with what makes your heart race, and to honor the child within you—the one who dreamed without limit.
May this new year be for you an opportunity to create, to explore, and to grow.
Happy New Year to all.
May 2025 be, for each of us, a work of rare beauty, a living testament to the most precious parts of ourselves.
You are all welcome at Bourjoi art studio in Hochelaga seen below. A clic away.