Texte de la chronique de Bourjoi sur le site du média collaboratif Quartier Hochelaga
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POURQUOI NAÎTRE ?

Il est dit que cela prend un village pour élever un enfant. C’est aussi vrai pour faire un artiste. Mon village à moi est Hochelaga-Maisonneuve et plus particulièrement, depuis que j’y ai construit un atelier, Hochelaga.

Comme l’enfant son village, l’artiste n’est jamais bien loin de ses racines.

Il y a quelques mois de cela Pierre Larivière agent culturel de la Maison de la culture Maisonneuve assisté de Serge Marchetta, m’a offert de présenter quelques-unes de mes œuvres à la Maison de la culture Maisonneuve.

Afin de les surprendre, plutôt que fouiller dans mes cartons et présenter des œuvres toutes faites, j’ai tenu à présenter quatre œuvres originales. Trois sur l’environnement qui nous préoccupe tous et une toute spéciale que je souhaitais en collaboration avec les forces vives du quartier. Une œuvre d’art et de culture spontanée par le quartier, pour le quartier.

Notre beau quartier est à la croisée des chemins. Le monde et la société changent à une vitesse effarante. Je voulais avec le projet de sculpture, disons ouvrière, voir si le quartier était toujours animé par le désir de construire le monde pour tous sans chercher à le posséder pour soi. Si cette pulsion était suffisamment forte pour construire de l’art et de la culture.

L’expérience a débuté avec l’écriture d’un poème.

Pourquoi Naître, si ce naît pour vivre ?

Pourquoi le travail, si ce naît pour rester en vie ?

Pourquoi Ouvrier, si ce naît pour construire le monde à d’eux ?

Comment Vivre, si ce naît ensemble ?

Sans nom-2

Cela fait plus de cinquante ans que faire de l’art représente l’essentiel de tout ce que je fais, vit et pense. Depuis l’avènement de l’école de Vienne au XIXe siècle et de la Gestalt, certains esprits paresseux espérant se décharger de la responsabilité de savoir ce qu’ils font et d’autres afin de posséder l’art, prétendent que le sens de l’art se trouve dans l’œil de celui qui regarde. Personnellement, j’en doute. Aucune intelligence, quelle que soit son ampleur ne peut penser ce qu’elle ne sait pas. Puisque penser dans la durée n’est pas naturel, comment un «spectateur éphémère» peut-il en 5 minutes d’impatience décoder ce qu’un autre esprit a mis 10 ans, 20 ans, une vie à peaufiner laborieusement et à approfondir encore plus laborieusement?

Pour cela chacune de mes œuvres d’artiste est une œuvre de patience et de métier à l’exemple du travail de l’ouvrier qui possède un beau métier associé à un caractère approprié.

Une œuvre doit être construite. La forme, le choix des matériaux, le langage dit plastique ne peuvent qu’être planifiés dans le moindre détail.

La nature de l’artiste est essentiellement faite de cœur et de sensibilité. Pour ce qui est du cœur nous croyons tous savoir ce qu’il en est. Pour ce qui est de la sensibilité, cela est moins clair. Il y a la sensibilité aux êtres et aux objets, ainsi qu’être touché en croyant toucher les êtres et les objets.

C’est ainsi que j’ai conçu la sculpture intitulée «Pourquoi naître ?» Parce que je suis touché par l’histoire et la vie de mon quartier. Par l’avenir qui point à l’horizon proche. Pour un quartier à la croisée des chemins, j’ai imaginé une croix de chemin.

Je n’ai pas osé la croix chrétienne, cela aurait été sacrilège. On ne peut élever l’humain à cette hauteur. Notre quartier connaît le chemin de fer. Il fallait que ce soit en partie une référence à une traverse de chemin de fer. Lorsque j’étais enfant, c’est là que nous trouvions la frontière entre notre quartier et celui des autres. C’est également là que se trouve le mur de fer qui nous prive du majestueux fleuve Saint-Laurent. La forme est également inspirée du symbole de Terre des hommes que nous voyons des rives de notre quartier ou le signe de paix retourné sur lui-même.

La sculpture est constituée d’acier Corten en usage en architecture et en art pour ses propriétés métallurgiques exceptionnelles. La première oxydation le protège de toute oxydation subséquente et le rend six fois plus résistant aux intempéries que l’acier ordinaire. Cela pour moi représente le caractère, la résilience qui recouvre les vulnérabilités du monde ouvrier.

La sculpture est formée de trois poutrelles en acier. Ces poutrelles ont été découpées en bandes dans une seule plaque et soudées à la main par un soudeur du nom de Gabriel à l’entreprise de René Thibault qui œuvre dans notre quartier depuis plus de 40 ans et qui a aisément collaboré à sa fabrication à ses frais. Je ne voulais pas utiliser des profilés commerciaux. Tout devait être de fabrication locale.

Grâce au savoir-faire d’André Bourgeois contremaître d’expérience à l’atelier de monsieur Thibault, les poutrelles et la base ont été fixées à l’aide de rivets traditionnels comme cela se faisait dans le quartier au XIXe siècle et au début du XXe.

Le texte a été découpé dans l’acier à l’aide d’un jet d’eau. Derrière le texte est installé un luminaire de couleur bleue comme l’eau et l’azur illumine les mots par le dedans comme l’ouvrier est éclairé par le dedans.

De part et d’autre de la sculpture une paire de gants de Joseph symbolise l’élévation et la résistance de tous les ouvriers aux forces de la gravité qui usent et tirent vers le bas. Ils ont été coulés en bronze. L’idéal bronze d’art. Le bronze des civilisations depuis l’âge du bronze.

Au centre au sommet a été fixé très solidement un casque de sécurité d’ouvrier en métal. Il est couvert de feuilles d’or du même type qui est utilisé dans les églises du quartier. Cet or est l’or d’un dôme architectural, un couvre-chef de dignité, de valeur véritable et de noblesse de caractère. À l’époque où la Vickers était une usine active, les ouvriers qui y travaillaient savaient pertinemment que seulement 8% d’entre eux atteindraient l’âge de 65 ans. Pourtant pour leur famille, leurs enfants ils persistaient.

Chacune des dimensions et quantités de la sculpture a un sens précis. L’engrenage a 7 branches comme autant de jours d’une semaine et 52 dents pour 52 semaines dans une année. Des cycles qui roulent et entrainent.

La base primaire est de 52 pouces de diamètre, La plaque secondaire a 24 pouces comme 24 heures d’une journée. 12 rivets maintiennent les plaques comme 12 mois, 12 heures, midi du lunch. Minuit du changement de journée. Beaucoup d’ouvriers travaillent à ce moment-là (Shift de nuit). La poutrelle centrale est de 8 pieds de haut, pour 8 heures de travail, comme les murs des logements, comme les 2×4, les feuilles de gypse, etc.

Notre quartier et son histoire sont à lire dans chacune des composantes de la sculpture qui est actuellement devant la Maison de la culture Maisonneuve et se retrouvera sur le terrain de l’Église Nativité de la Sainte Vierge d’Hochelaga du 1er décembre 2015 au premier décembre 2016. La sculpture sera visible de la rue Ontario. Elle sera déposée sur un socle derrière la plaque au sol du Mouvement Desjardins entre l’église, un chef-d’œuvre architectural, qui fêtera sa 150e année en 2017 en même temps que le 375e de Montréal, et la rue Saint-Germain.

Pourquoi naître ? Est une œuvre inhabituelle, une création spontanée, un «citoyen culturel» créé par l’esprit d’un quartier qui ne craint pas d’ouvrir ses portes à l’avenir.

Entre le premier décembre 2015 et le 1er décembre 2016 ce nouveau «citoyen culturel» se cherchera une résidence permanente dans le quartier. Son créateur et les collaborateurs souhaitent tous que cette place soit le long de la rue Ontario.

 

©2024 Leopol Bourjoi bourjoi.com

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