ABEL du XXIe détail
Sculpture, ABEL du XXIe

Son histoire depuis son origine en 1973

1973 la Californie

En 1973, nous étions nombreux à voyager sur le pouce à la recherche d’ailleurs inspirants. En passant par la ville de Victoria à l’autre bout du Canada, je me suis rendu jusqu’à Huntingdon Beach à quelques kilomètres au sud de Los Angeles.

J’y suis resté quelques semaines et expérimenté une culture, une nourriture, une manière d’habiter et de vivre le monde aux antipodes des quelques arpents de neige québécois.

L’étroite bande de sable en bordure du pacifique à l’orée d’Huntingdon Beach s’étalait du nord au sud à l’infini. Durant mon séjour j’ai assisté à un festival des arts qui n’avait rien à envier à ce que j’avais vu précédemment au Fisherman’s warf de la prestigieuse ville de San Francisco.

Facilité par une aisance matérielle inaccessible au Québec, j’y ai vu une maîtrise des matériaux, procédés, des médiums et de la forme que le jeune artiste/artisan que j’étais n’avait jamais vus par ici. Un déploiement de diversité de styles incomparable. Une fascinante explosion de créativité.

Calibre 38
Calibre 38. Bourjoi 1973

De retour à Montréal, j’ai peins Calibre 38

En Colombie-Britannique j’avais vu des montagnes sur lesquelles avaient poussé des forêts d’arbres millénaires complètement rasées. Un sacrilège sans nom envers des géants dont certains étaient là il y a 3000 ans de cela, bien avant l’empire romain. Il n’en restait que des bouts de souches à l’aspect misérable. En Californie, j’avais assisté à la frénésie matérialiste sans borne d’un monde célébrant l’avant-garde de la modernité matérialiste contemporaine.

L’un comme l’autre a été à l’origine de deux thèmes récurrents dans mon œuvre. La singulière figure christique et l’environnement.

Revenu chez nous, j’ai peint à l’acrylique plusieurs tableaux. Un de ces tableaux sur toile encollée représentait un étrange Jésus Christ se tenant debout près d’une croix au géométrisme épuré que j’ai intitulé Calibre 38. C’est le calibre (9 mm) d’une munition utilisée par les services de police. Habillé d’un voile ou une cape tourbillonnante d’un blanc immaculé et bleu azur, couleurs du drapeau québécois, le front ceint d’une couronne. Impassible, ce surprenant Jésus Christ tenait un révolver à la main.

Je ne pouvais à 23 ans comprendre tout à fait ce que j’avais spontanément peint. Peut-être était-ce la perte des valeurs fondatrices du Québec? Le Christ qui avait été à l’avant-garde de son époque qui ne supportait pas notre retard à notre époque ? Était-ce l’image du rejet du matérialisme de notre monde ? Devait-il, comme il y a quelques siècles de cela, — ce qui lui avait valu d’être crucifié — chasser les voleurs du temple ?

Momie en brique
Momie en brique, Bourjoi 1982

Momie en Brique

En 1982, à l’âge de 32 ans, j’étais toujours — préférant m’adonner à l’art brut plutôt que m’astreindre à l’académique — un artiste autodidacte. Ce n’est qu’âgé de quarante ans que j’ai consenti à m’inscrire à l’université et obtenu à 46 ans une maîtrise en enseignement des arts.

Ma famille et moi habitions sur la rue Aylwin, dans le quartier Hochelaga, à deux pas de l’actuelle clinique du docteur Julien, le quartier, vers lequel, lorsque j’étais âgé de 10 ans, nous avions été déplacés de force par les autorités municipales.

Ce que je lisais dans les journaux, ce qui était transmis par les médias me déplaisaient au plus haut point. Rien de ce qu’ils prétendaient ne correspondait au caractère humain de notre quartier.

J’en ai fait une œuvre en peignant un autoportrait que j’ai intitulé Momie en brique. Vivre en Hochelaga-Maisonneuve avait des airs de tragédie grecque. Il y avait un peu du Jésus Christ antique dans le citoyen lambda d’Hochelaga-Maisonneuve.

J’ai peint ce personnage en calquant les mensurations qui étaient les miennes à cette époque. C’était un peu un autoportrait. Une vision qui ferait l’objet de différents traitements au cours des ans.

Une momie vivante au regard courroucé. Les yeux dégagés et le poing droit crispé, l’ensemble du corps se tenant bien droit enserré par de solides bandelettes composées à l’aide des journaux qui prétendaient nous connaître mieux que nous-mêmes. Une camisole de force faite d’encre et de papier.

Nous étions et sommes toujours — ce que je ne comprends toujours pas — puisque nous suivons religieusement toutes les règles qui nous sont imposées dès la petite école, ce besoin de vouloir nous mettre dans des cages de confinement se rétrécissant sans cesse, alors que la détresse matérielle et morale y parvient déjà très bien.

Derrière le personnage immobile, sans être tout à fait figé, se trouve une vue de l’azur du ciel et les frondaisons d’un paysage forestier. Un reste de resplendissante nature qui est également intérieure au personnage

Un mur fait de briques dont certaines parties sont constituées d’agressives pointes acérées entoure le personnage. Un emmurement graduel qui présageait bien ce qui semble quarante ans plus tard s’imposer inéluctablement à notre monde.

Homumain, Bourjoi 1987
Homumain, bronze, Bourjoi 1987

Homumain

En 1987, le Jésus-Christ de 1973 et Momie en brique de 1982 fusionnèrent en une troisième œuvre que j’ai intitulée Homumain.

Lorsque le mouvement horloger a été conçu, l’idée de Dieu est devenue le grand horloger. La vapeur en a fait une autre idée du monde. L’atome l’a rendu autre. Cela n’est pas différent avec l’ordinateur, qu’un auteur du nom de Pierre Lévy qualifiait de machine univers. Surtout l’informatique qui, convertie aux technologies numériques, se réfugie sous les jupes de l’intelligence artificielle.

L’esprit rationnel — Iain Mc Gilchrist, psychiatre et spécialiste en neuro imagerie anglais, dirait l’hémisphère gauche, gauchement maladroit — est ainsi fait qu’il voit, sans vraiment le comprendre, le monde comme s’il ne le percevait qu’en agitant le faisceau étroit d’une lampe de poche, par le trou de la serrure, ou les ombres de la fameuse grotte de Platon.

Quelques idées, quelques objets plus que tous les autres lui semblent toujours détenir les clés ouvrant toutes les portes. L’esprit rationnel semble binaire, soit ouvert ou fermé, toujours linéaire et séquentiel.

À cette époque, j’ai vu des images de mémoires dites à ferrite. Elles étaient constituées de minces fils métalliques à l’intersection desquels étaient coincés de minuscules tores magnétiques (formes d’anneaux) en ferrite qui pouvaient être chargés électriquement.

J’imaginais alors clairement le personnage d’Homumain saisi par son humanité. Il lévitait, suspendu à l’intersection de deux axes qui le traversaient de part en part. Célébré lorsqu’il s’agit de la vie, de la nature, peut-être même de l’univers, malheureusement, il nous semble, immolé lorsqu’il s’agit du monde humain depuis qu’on en écrit l’histoire.

De gauche à droite l’axe horizontal perce le corps suspendu de Homumain en passant à travers les bras tendus en croix à la hauteur du scapulaire. L’axe horizontal représentait l’horizon de la vie au-delà duquel on ne pouvait voir. L’axe vertical de nature spirituelle passait à travers son torse échancré et le sommet de son crâne largement ouvert vers le haut, qui doit bien exister puisque nous sommes plutôt que de ne pas être sans savoir comment et pourquoi.

En 1987 il semblait toujours possible d’idéaliser l’humain, placer l’humanité au croisement entre la sombre matérialité et la sublime élévation céleste.

La réalisation d’Homumain

Au cours de sa réalisation, l’œuvre prend vie, son histoire se précise, son caractère se raffermit. Protagoras disait de l’homme qu’il était la mesure de toutes choses qui se trouvent dans le ciel et sur la terre. Doit-on y ajouter que pour l’homme ? Marx croyait dur comme fer à la lutte des classes – sociales en fait, opposant quelques riches à d’innombrables pauvres, quelques dominants régnant au-dessus de la multitude. Jean-Paul Sartres disait que l’enfer c’était les autres. Quels autres ? Des questions taraudantes pour un monde humain trop souvent lancinant.

De quel côté croit-on que les citoyens d’Hochelaga-Maisonneuve se trouvent? Que la plupart des humains se trouvent ? Que peut en faire l’artiste qui en est imprégné tous les jours durant des décennies de vie ?

Au cours de la décennie des années 80, je n’ai pour ainsi dire fait que des œuvres en bronze. Le bronze de l’art nous venant d’une longue tradition remontant à l’âge du bronze, au développement de notre civilisation, de la permanence de certaines œuvres

En fait l’artiste ne sculpte pas le bronze. Du moins pas directement. Les sculptures de bronze sont toujours réalisées dans un autre matériel que le bronze. Elles sont faites soit de bois, de plâtre ou beaucoup d’autres matières suffisamment rigides pour en faire un moule permettant de les couler dans le sable à fonderie ou en faire une reproduction en cire.

La reproduction ou la sculpture en cire est ensuite, suivant le procédé de la cire perdue, coulée en métal.

Homumain a été sculptée en cire à la main. Sous l’effet de la chaleur des mains et la pression des doigts, la cire brune devient aisément malléable. C’est une matière dont le contact est très organique, assez facile à utiliser et peu coûteux, propice à la création spontanée, qui me plaît beaucoup.

Homumain de cire a ensuite été coulée en bronze dans une fonderie qui a un temps participé à la réalisation de l’’œuvre a tristement dû fermer ses portes il y a quelques années de cela.

 En sortant de la fonderie, une sculpture de bronze a un aspect très brut, rugueux, plein de défauts. J’en ai corrigé les imperfections et en ai fait la finition moi-même jusqu’à la patine et le montage sur une base.

Le dégrossissage, le brossage et le polissage fait, la première couche de patine à base de foie de soufre mordante prend des teintes s’étalant de brun à noir. Cette première couche de patine est suivie de l’application au pinceau de nitrate de cuivre qui permet d’obtenir rapidement le beau vert-de-gris des toitures.

C’est un procédé qui comporte certains risques pour la santé puisque l’oxyde de cuivre appliqué sur le bronze légèrement chauffé à la torche est en suspension dans de l’acide nitrique extrêmement corrosif.

Au final j’ai appliqué deux couches de cire sur la sculpture que j’avais mise à chauffer au soleil.

Tous ces détails faits de techniques, chimie, gestes et procédures sont partie intégrante de l’œuvre. Une sorte de rituel. C’est presque de l’Alchimie qui transforme, la société, le monde humain, l’artiste autant que la matière qu’il façonne. Elles font partie de l’œuvre, de sa personnalité, de son caractère, de la relation qu’a l’artiste avec le monde de l’œuvre. De sa compréhension.

Même faite de bronze, la sculpture garde des traces de son contact avec les mains de l’artiste. Parfois les empreintes digitales de l’artiste restent gravées dans le bronze. Une chaleureuse proximité, d’intimité même avec la matière.

Le corps de l’œuvre est une sorte d’incarnation du corps, de la sensibilité de l’artiste et du monde qui l’entoure. L’œuvre pousse entre les doigts de l’artiste comme une fleur ou un arbre qui sortent du sol.

Abel du XXIe
Abel du XXIe, Bourjoi 2019

Abel

L’art ne peut être que recherche de ce qui constitue notre humanité, une recherche obsédante de ce qui fait l’humain depuis 30 000 ans. À travers les œuvres nous percevons l’état de la condition, de la nature humaine à long, à moyen et court terme, parfois également l’avenir que cela présage.

Entre la réalisation d’Homumain et Abel, 35 années se sont écoulées. Trente-cinq années qui se sont avérées progresser aux antipodes de ce que présageaient les années 60. Ces 35 années écoulées ont été de plus en plus déroutantes et décevantes pour celui qui a cru un temps que notre monde, contrairement à toutes les chroniques historiques, était en passe de progresser pour le mieux.  

Hélas, au cours de ces 35 années, tout ce qui aurait dû servir au progrès a servi à faire la guerre, à militariser les forces policières, à amplifier l’emprise des médias et de la société de l’endettement consumériste sur les esprits. À exploiter matériellement l’environnement et tout ce qui vit. Qui oserait dire le contraire ?

Plus le monde était angoissant, plus on parlait de qualité de vie, moins il y en avait. Plus il y avait de moyens technologiques et matériels pour s’en sortir, moins on y arrivait.

En Égypte antique il se construisait des pyramides de pierre pour servir les inquiétudes éternelles d’un seul. Au XXIe siècle nous sommes des milliards à construire une incommensurable pyramide humaines pour quelques-uns qui pourraient tous ensemble tenir dans un petit forum fléau-dal.

Il y a 20 siècles de cela, lorsqu’un sujet (citoyen) déplaisait au pouvoir, servant d’exemple pour tous les autres, il était accroché pour y agoniser péniblement et finalement mourir, sur une croix faite de bois érigée sur la place publique.

Au XXIe siècle cela ne se fait plus de clouer des humains sur des bouts de bois, sur la place publique. Au XXIe siècle le bois de l’immolation de l’humanité a changé de place, désormais il croit par en dedans.

Un combat perpétuel entre la multitude qui n’aspire qu’à vivre et quelques-uns qui ne cherchent qu’à tout posséder.

Agressé de toutes parts, surtout par l’intérieur, l’humain ne sauvegarde plus rien à l’intérieur de lui et perd ses repères. Il ne peut plus faire la différence entre ce qui constitue le soi et ce qui n’est qu’agitation hors de soi. Que ce soit les idées, les narrations, les inoculations matérielles ou immatérielles, le dedans n’est plus qu’un autre dehors.

Il n’est plus le siège d’un libre jardin de croissance intérieur. Exposé à tout ce qui fait le dehors comme si cela était de même nature que le dedans, le citoyen contemporain n’est plus qu’un supplicié, le corps entre ouvert, transi de doutes, d’angoisses, de dénis et ou de lâchetés.

Il semblerait que les adeptes du matérialisme, ce même matérialisme qui a déjà été représenté sous les traits du veau d’or, soient incapables d’évoluer avec le reste de l’humanité.

Plus les ressources technologiques et scientifiques de l’humanité augmentent, plus ils les accaparent, moins ils en laissent à l’humanité.

Des siècles de civilisation humaniste n’ont eu aucun effet sur leur caractère. Des siècles de progrès technologiques ne leur servent toujours qu’à tirer le meilleur de tous, jusqu’à l’épuisement de tout et de tous.

Ils se comportent au XXIe siècle comme ils le faisaient lorsque Solon, l’Athénien a posé les bases de la démocratie au 6e siècle av. J.-C.

La multitude n’ose pas croire que très bientôt par la volonté d’un seul homme, même si elle est privée de tout, elle devra comme toujours en faire son bonheur.

La brutalité de la condition humaine d’il y a 26 siècles n’est plus. Elle s’est muée en une condition beaucoup plus subtile au point d’être méconnaissable aux yeux même de la multitude qui comme à toutes les époques n’a que faire des pyramides d’or ou de pierre et ne cherche qu’à vivre en toute liberté comme la nature le fait depuis des millions d’années.

Cette nature que les transhumanistes, qui ne sont encore une fois que quelques-uns, méprisent plus que tout.

Abel, d’où le titre de l’œuvre symbolise le premier assassinat au début de la civilisation. Celui qui ne voulait que vivre qui a pourtant été assassiné par celui qui ne voulait que posséder. Nous sommes tous des Abel, qui ne souhaitons que vivre paisiblement avec notre famille, nos enfants, nos amis.

ABEL XXIe en studio, devant fond vert
ABEL XXIe intégral

Formellement, Abel

Le développement des technologies informatiques et de leurs instruments influe de manière importante sur la manière de réaliser des œuvres d’art. Au fur et à mesure de leur développement, je n’ai jamais hésité à en faire usage. Certaines œuvres ne peuvent éviter d’emprunter leur caractère au monde dont elles sont l’expression.

J’avais en main la sculpture originale d’Homumain. Je l’ai fait numériser à l’aide d’un numériseur 3D, ce qui en a fait un modèle informatisé. Je perdais le contact avec la matière tout en accédant à une plus grande souplesse de réalisation. Le fichier informatique permet de travailler sur la forme et les dimensions aisément.

À l’aide d’une fraiseuse à contrôle numérique, une reproduction beaucoup plus volumineuse que l’original a été taillée dans des blocs de contreplaqué que j’avais laminé en plusieurs couches. J’ai obtenu deux coques de bois, une pour la partie avant et l’autre de la partie arrière qui ont été évidées et refermées, sablées et peintes entièrement, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

J’ai ensuite fixé la coque du torse sur une structure en bois en forme de T. La pièce centrale est composée de deux pièces tenues ensemble à l’aide de deux attelles en acier rappelant un système de prothèse fixé de chaque côté d’une fracture.

Quatre pièces d’acier vissés sur chacune des faces de la pièce de bois centrale composent un système de support comportant quatre appuis reposant sur des disques d’acrylique en forme d’étoile. Sous la structure des pattes en acier, deux haltères en fonte ont été soudés et peints à l’aide de peinture métallique dorée. Cela représentait la masse et l’inertie de l’or inamovible. Les poids, la masse des inerties nous venant d’une histoire qui d’une génération à l’autre se répète sans cesse.

Les vingt-neuf et trente janvier 2019, — je n’entrevoyais pas que 2020 et au-delà seraient exponentiellement pires — je me suis procuré plusieurs journaux dans lesquels j’ai découpé quelques dizaines de titres d’articles. J’ai entièrement recouvert la sculpture de ces titres de journaux en les disposant au hasard et en les collant avec du médium à peindre que j’ai ensuite verni. Le médium à peindre forme une pellicule translucide. En anatomie cela s’appelle le fascia superficiel recouvrant les muscles sous la peau.

Je n’ai pas choisi les journaux ou les titres qui s’y trouvaient. J’ai pris ce qu’il y avait et découpé les titres qui s’y trouvaient. Ces titres plus anxiogènes les uns que les autres traitaient tous de problèmes et de réalités éloignées de la vie ordinaire des citoyens de mon quartier. Même de l’ensemble des québécois puisque 56% sont réputés être plus ou moins analphabètes.

J’ai représenté l’intensité des tensions et des souffrances transmises par les médias de tous types en ficelant, comme un gigot de jambon, le torse d’angoisses paralysantes.

L’horreur venait de leur nombre et de l’extravagance des préoccupations qui n’avaient presque aucune pertinence pour le citoyen ordinaire. Une manière d’éveiller l’atavique peur du Léviathan et le sentiment d’impuissance qui vient avec.

Ainsi exposé à toutes sortes de menaces, le corps perd toute emprise sur lui-même. L’humain ainsi ouvert ne sait plus ce qui est de lui et ce qui ne l’est pas, ce qui le concerne et ce qui ne le concerne pas.

Les apparences morales du monde moderne ne le permettant plus, cela ne se fait plus de crucifier les corps sur la place publique. Le monde moderne se contente de vilipender les masses comme si elles n’étaient le reflet que d’un seul, comme si l’individu ne pouvait croitre, apprendre et comprendre au cours d’une vie.

Détruire les réputations, priver de la participation à la société, priver d’une vie qui vaut la peine d’être vécue est plus facile et tellement plus civilisé.

Dorénavant, cela ne se fait que par l’intérieur, que par l’angoisse, les inquiétudes innombrables, tous les aspects de la désespérance.

Cet Abel est précurseur d’une série à venir. Une série diversifiée représentant un profond désir d’exister pour vivre tout simplement comme la nature l’a constitué, – malgré les  adorateurs de pyramides — comme la nature le souhaite tout bonnement depuis des millions d’années.

Il est impossible d’être indifférent à ce qui est fait au monde depuis que nous avons les mots pour écrire l’histoire. J’ai oeuvré d’un bout à l’autre du Québec. Je n’ai jamais en soixante douze ans de vie, rencontré une seule personne qui aurait fait au monde. ce que ceux qui en ont le pouvoir en font convaincus qu’ils sont qu’il ne peut y avoir d’autres manières.

Je crois qu’il y a d’autres manières de faire le monde. Je le fais tous les jours. J’ai connu des milliers de femmes et d’hommes, j’en rencontre tous les jours, qui vivent le monde autrement. Mieux, beaucoup mieux que ce qui nous est proposé.

Abel est l’émissaire de la détresse qui n’aurait pas lieu d’être si notre monde cessait d’être un monde producteur de pacotilles et de verroteries en devenant vraiment un monde pour y vivre en toute simplicité.

©2024 Leopol Bourjoi bourjoi.com

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