Vignette du portail de l'Artrium, atelier de Bourjoi en Hochelaga

Lorsque les éléphants se battent, les fourmis sont écrasées.

Nous naissons tous dans un monde déjà structuré, un territoire où se superposent traditions, sociétés, nations et organisations. Un espace préfabriqué où tout semble déjà en place, déterminé avant même que nous y prenions part. Nous y surgissons comme des fourmis, vouées au travail, inscrites dans une mécanique sociale, économique et politique qui, au fil du temps, s’est érigée au-dessus de nous, monumentale et implacable.

La fourmi, pourtant, est un être puissant à son échelle. Individuellement fragile, collectivement capable de bâtir des cités organiques, des structures d’une complexité rigoureuse. Dans un élan anthropomorphique, on pourrait imaginer les fourmis portant l’éléphant sur leur dos, l’alimentant, lui donnant sa force et sa puissance. Mais l’éléphant, qu’il soit politique, économique ou idéologique, n’a aucune loyauté envers la fourmilière. Peu importe son règne, le sort des fourmis demeure identique, qu’elles portent un colosse ou son rival.

Les éléphants ont découpé le monde, tracé des frontières invisibles, établi des règles qui, par le seul fait d’exister, déterminent qui possède, qui contrôle, qui domine. Ils ont structuré le partage des ressources, codifié les dynamiques de production et de consommation, façonné les rapports de force entre travail et profit. Mais au centre de cet édifice, les fourmis s’agitent. Elles produisent, elles consomment, elles se plient aux ordres d’un éléphant dont elles ne percevront jamais l’ampleur réelle, ni les véritables intentions.

Parfois, elles sont même appelées à se sacrifier pour un éléphant plutôt qu’un autre. Sur les champs de bataille, elles s’affrontent, persuadées de défendre un idéal, alors qu’elles ne sont que les pions d’un affrontement de titans. Dans l’arène économique, elles boycottent un colosse pour en favoriser un autre, croyant choisir, alors qu’elles nourrissent toujours la même mécanique.

Et pourtant, chaque éléphant agit de la même manière. Peu importe le drapeau, l’idéologie, le système : la fourmi n’est jamais perçue que comme une ressource, une masse anonyme vouée au travail ou à la servitude.

Nous aimons croire que nous avons une marge de manœuvre, que nous sommes les architectes de notre destin, que nos décisions portent du poids. Mais lorsque les éléphants s’affrontent, ce ne sont jamais eux qui chutent, ce sont les fourmis sous leurs pieds.

Seule l’organisation des fourmis pourrait renverser cette logique.

Mais le pourrait-elle vraiment, ou n’est-ce là qu’une illusion de plus ?

When Elephants Fight, Ants Get Crushed

We are all born into a prestructured world, a territory where traditions, societies, nations, and organizations layer over one another. A prefabricated space where everything seems already in place, predetermined before we even enter it. We arrive like ants, destined for labor, inscribed into a social, economic, and political machinery that, over time, has risen above us, monumental and relentless.

Yet, the ant is a powerful being in its own right. Individually fragile, but collectively capable of building organic cities, rigorously complex structures. In an anthropomorphic leap, one could imagine ants carrying the elephant on their backs, sustaining it, giving it strength and power. But the elephant, whether political, economic, or ideological, holds no loyalty to the anthill. No matter which one reigns, the fate of the ants remains the same, whether they carry one colossus or another.

The elephants have carved up the world, drawn invisible borders, and established rules that, by their mere existence, determine who owns, who controls, who dominates. They have structured resource distribution, codified the dynamics of production and consumption, and shaped the balance of power between labor and profit. But at the core of this system, the ants scurry about. They produce, they consume, they submit to the directives of an elephant whose true scope and intentions they will never fully grasp.

Sometimes, they are even called upon to sacrifice themselves for one elephant over another. On battlefields, they fight one another, convinced they are defending an ideal, when in reality, they are merely pawns in a clash of titans. In the economic arena, they boycott one colossus to favor another, believing they are making a choice, when in fact, they are simply feeding the same mechanism.

And yet, every elephant behaves the same way. No matter the flag, the ideology, the system, the ant is never seen as anything more than a resource, a nameless mass, bound to labor or servitude.

We like to believe that we have some margin of control, that we are the architects of our fate, that our decisions carry weight. But when elephants fight, they never fall—it is the ants beneath them that are crushed.

Only through the collective organization of ants could this logic be overturned.

But could it truly, or is that just another illusion?

©2025 Leopol Bourjoi

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