Texte de la chronique de Bourjoi sur le site du média collaboratif Quartier Hochelaga
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JOLIETTE EN HOCHELAGA

 Dans son excellent ouvrage intitulé Ideas: A History of Thought and Invention, From Fire to Freud, l’historien anglais Peter Watson écrit qu’il y a 3000 ans de cela, 80% de l’humanité vivait dans les villes. Les villes seraient les berceaux des civilisations. Les problèmes sociaux les plus épineux posés au plus grand nombre apparaissent dans les grandes villes. C’est là où, d’une génération à l’autre, se trouvent le plus de réponses.

Çatal Höyük (en Turquie actuelle), une des premières villes à être construite au néolithique (début de l’agriculture), n’avait ni rue, ni place publique, ni hiérarchie. Chaque famille habitait un cubicule sans porte ni fenêtres. Se déplaçant d’un toit à l’autre, ses habitants devaient entrer chez eux en descendant d’une ouverture dans leur toit. Il a fallu 5000 ans d’essais et erreurs avant d’ériger une cité comme Babylone au milieu du croissant fertile.

Babylone abritait plus de 380 000 personnes. Autant que la ville de Trois-Rivières aujourd’hui. La vie y était insupportable pour un très grand nombre. Les tribus hébraïques en ont retenu un souvenir cuisant. Afin d’être viable, avec le temps, la cité s’est organisée en établissant des codes régissant en toutes occasions le comportement de tout un chacun.

Durant la deuxième moitié des années 80, j’ai eu à travailler des éléments de contre-torpilleurs en construction. Un des ingénieurs navals disait que les rapports papier en trois copies mis ensemble pesaient autant que le contre-torpilleur en acier. Il en est ainsi de la cité moderne. Elle pèse plus en organisation, lois et règlements qu’en brique, mortier et citoyens.

Depuis la première cité, il est devenu de plus en plus rare de ne pas naître en territoire conquis ou sur un sol qui n’est pas déjà occupé. Nous avons tous lu sur les murs de la ville des graffitis en exprimant l’intuitif malaise.

Le territoire urbain est territoire régalien. Il n’est pas le territoire de tous. La place publique n’est pour tous que d’usage transitoire. Le temps de se rendre d’un point à un autre. Le temps de célébrer. Dans les parcs « publics », il y a couvre-feu dès 11 heures le soir.

Nous nous souvenons tous des westerns montrant le conflit entre les éleveurs de bétail qui traversaient les États-Unis sans entraves et les fermiers qui clôturaient leurs terres. Cela s’appelle mise en enclos. Jeremy Rifkin en parle en abondance dans son ouvrage intitulé La nouvelle société du coût marginal zéro. Tout ce qui compose la société moderne aurait été mis en enclos ; individualisé. Compartimenté de toutes sortes de manières. Aucune intelligence quelle que soit son ampleur ne peut penser ce qu’elle ne sait pas, avoir conscience de ce qu’elle ne voit pas. C’est ainsi que la STM a projeté d’installer un local cellulaire sur le toit de la station Joliette sans imaginer qu’elle aurait dû faire montre de plus de sensibilité en consultant les citoyens du quartier Hochelaga-Maisonneuve qui auraient à vivre avec.

MurArcEnCielLa STM est à installer des parements de tôle colorée dans la station de métro Berri-UQAM. En tant qu’ouvrier artiste, je trouverais pas mal ordinaire que leur local cellulaire, aussi mal situé soit-il, soit simplement couvert de ces panneaux colorés sans style ni caractère esthétique.

Les citoyens d’Hochelaga, j’en suis un, et cela depuis plus de cinquante ans, préféreraient à l’évidence que le mur de la caserne soit couvert d’une illustration d’esprit local plutôt que de servir de fond à un tronçon de construction mal pensée.

Il reste beaucoup de travail à faire avant que la cité soit vraiment viable pour tous à égalité.

La cité n’est toujours pas suffisamment transparente et ouverte pour que son organisation se fasse sans fermer les portes, sans choquer ceux qui vivent la ville comme si elle était une part d’eux-mêmes.

 

 

Révision de texte: Valentine B. (info@bourjoi.com)

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