Texte de la chronique de Bourjoi sur le site du média collaboratif Quartier Hochelaga
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Révolution industrielle 2.0 dans Hochelaga-Maisonneuve

Je suis du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Adolescent, je l’ai parcouru en tous sens. J’entrais partout où ma curiosité me portait. Les ateliers et les usines étaient aisément accessibles. Pour toutes sortes de raisons, qu’elles soient règlementaires ou pour des questions d’assurances, les quelques portes qui restent sont closes. Le fleuve était au bout de la rue Dézéry. Il suffisait de marcher jusque là. Pour des considérations économiques étrangères au quartier, il est irrémédiablement barricadé.

Le quartier ouvrier était un quartier ouvert. Les voisins étaient souvent des ouvriers spécialisés qui n’hésitaient pas à partager fièrement leur savoir-faire. Ils travaillaient à la Vickers à la CSF «Canadian Steel Foundry» ou aux «shops» Angus, etc.

L’identité historique de l’ouvrier se reconnaissait à son savoir-faire qui consistait à construire le monde pour tous, pour qu’il dure sans pourtant chercher à le posséder pour lui-même.

Les usines et les ateliers ont fermé leurs portes ou sont partis ailleurs.

Beaucoup d’ouvriers spécialisés qui constituaient la fibre vivante, l’âme du quartier sont partis ou ont vieilli. Leur importance sociale elle-même semble s’envoler. L’ère de la robotique et de l’intelligence artificielle avance à grands pas.

Le quartier est en plaine métamorphose. Le XXIe siècle adopte une manière d’être différente. À mon entrée sur le marché du travail, durant les années 60, j’ai d’abord travaillé chez «Savoie Shoe», là où se trouve le Village des valeurs sur le boulevard Pie-IX. Ensuite dans le métal, comme ont dit, à «Pelletier Handling» sur la rue Notre-Dame avant les démolitions des années 70. J’ai été placier/portier au «Granada» le cinéma qui comme moi a cheminé vers une autre vision de la culture ; le théâtre Denise Pelletier. Je suis devenu machiniste à l’école des métiers de l’est sur la rue Hochelaga. Ce n’est que quelques exemples. Plus rien de tout cela n’existe. Il reste le quartier et les ouvriers qui se souviennent avoir construit leur monde immédiat de leurs mains.

Le tissu social du quartier Hochelaga-Maisonneuve s’est beaucoup transformé. Je prétends que l’âme n’a pas changé. Malgré quelques hésitations, la solidarité venant d’une vision commune de l’environnement social, le goût d’accepter l’autre comme un égal est toujours aussi vivace. La pulsion qui pousse à construire généreusement le monde pour qu’il dure sans vouloir le posséder uniquement pour soi est toujours aussi prégnante.

Cela n’a que changé de manière. L’ouvrier traditionnel, on le lui a souvent reproché, est matérialiste. Il ne peut faire autrement qu’expérimenter le monde concrètement. S’il ne le fait pas, cela ne tient pas debout. Pour faire simple, disons que c’est un monde dont la densité se reconnaît à l’épaisseur de la brique et du mortier.

En ce sens, le quartier Hochelaga-Maisonneuve semble s’être trouvé une nouvelle vivacité. Une révolution industrielle 2.0. Ce qui n’était que brique et mortier est devenu art et culture. Le matériau et le ciment d’une identité renouvelée.

L’artiste comme l’ouvrier maîtrise matériellement et spirituellement un beau métier. Par l’art et la culture, ils construisent également le monde passionnément pour tous, pour qu’il dure sans vouloir le posséder pour eux seul.

Ces dernières années plusieurs artistes et artisans ont migré vers notre quartier. Certains à plusieurs dans un même bâtiment. Je n’en ferai pas la liste. Elle serait ici trop longue. Un seuil a été atteint. L’Indice Bohémien[1] pour notre quartier atteint sûrement un «score» enviable.

Une usine d’un nouveau type ouvrira ses portes prochainement sur la rue Sainte-Catherine. Ce sont Les ateliers créatifs qui occuperont le bâtiment de l’ancien centre d’emploi. Au deuxième étage il y aura de la place pour 27 ateliers d’artistes. Très prochainement l’atelier GRAFF, fondé il y a 50 ans, y logera ses quartiers. Les ateliers GRAFF servent un groupe de 150 artistes de la gravure et de l’impression. 150 artistes de plus qui viendront s’identifier au quartier Hochelaga-Maisonneuve.

DeuxTours021213

[1] http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/3076/creativite-et-developpement-economique-un-nouvel-indicateur-l-indice-bohemien-pour-mesurer-la-vitalite-urbaine

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